CR Troll Enez Morbihan :
Le swimrun c'est quoi ???
En fait c'est un parcours avec alternance de sections courues et nagées, avec obligation de garder son matériel du début à la fin de l'épreuve.
Tout est dit ! Après un petit tour de vidéo sur internet, je me dis que ça a l'air énorme donc j'en parle à mon beau frère fin 2014, pour partager une bonne aventure sportive ensemble (le + c'est qu'il nage un peu mieux que moi, mais qu'on court sensiblement pareil).
L'inscription est donc envoyé début mars.
Finalement à cause d'une petite fracture au pied, il déclare forfait voilà 1 mois...la grosse loose, tellement on avait évoqué à l'avance les moments de plaisir qu'on allait passer ensemble.
Petit appel à l'organisation pour savoir si c'est possible de changer de binôme, car en préparant Vichy, j'ai abordé le sujet swimrun avec bon nombre d'amis dont un qui nous enviait ; ce sera mon partenaire.
Il s'agit de Christophe Saint Martin. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas c'est un petit nageur du coin qui vaut à peine 4'30 au 400nl et un poil plus de5' au 400m 4n...rien d'inquiétant ! Bon à pied je suis un ton au dessus donc je ne souffrirai pas tout du long ; mdr. Vendu.
Samedi matin nous partons donc direction Séné à côté de Vannes, non sans avoir partager 3 sessions à l’île Charlemagne pour tester notre matériel ; le jour J, le rappel de ces entraînements nous fera sourire tant nous étions loin de la réalité...
Arrivée check.
Dossards check.
Chambre à l'auberge de jeunesse check. (avec une jeune couple qui participe en mixte).
Réservation restaurant sur Vannes pour le repas du soir et match de rugby Angleterre/Australie check. (d'ailleurs : toc toc toc ! Qui est là ? C'est Adam. Adam qui ? à dans quatre ans.)
Petite préparation des affaires pour le lendemain et découverte de nos compagnons de chambrée.
Ils ont déjà fait quelques swimrun dont l'Engadin en juillet, et comme ils ont gagné en mixte ils se sont qualifiés aux Monde à lOtillo race couru voilà 3 semaine...ah oui d'accord.
Heureusement pour nous ils ont la classe, sont simples et partagent facilement leur parcours ; là on se dit que demain on va prendre cher alors que nous on est venu profiter d'un nouveau format de course. On prend un petit coup au moral mais on était encore loin de réaliser ce qu'on allait vivre voire subir !!!
Bon le rugby c'est sympa mais demain y a compète...(d'ailleurs : toc toc toc ! Qui est là ? C'est Elie. Elie qui ? Élimination.)
Il est 23h30 c'est l'heure du dodo, demain le réveil est à 4h15 pour le petit déj, rdv à 5h15 au gymnase pour briefing, transport sur l’île d'Arz ; le départ est prévu à 7h30 juste avant le lever du jour.
Pan c'est parti pour cette belle balade sur des sentiers dans un site magnifiques ; au programme ça donne à peu prés ça :
càp 1 : (île d’Arz) 6kms
nat 1 : 750m Fin de Nat ravito
càp 2 : (île d’Arz) 4,5kms
nat 2 : 800m Fin de Nat ravito
càp 3 : (île aux moines) 14,1 kms ravito 9e kms et fin de CAP
nat 3 : 400m
càp 4 : (île Holavre) 300m
nat 4 : 1500m
càp 5 : (grande logoden) 400m
nat 5 : 300m
càp 6 : (petite logoden) 200m
nat 6 : 1000m
càp 7 : (Arradon) 3,5kms début CAP ravito avec sac perso et ravito troll
nat 7 : 600m
càp 8 : (plage de conleau – Vannes – Séné) 9,5kms Début cap ravito + kms 7
nat 8 : 900m
càp 9 : (séné – stade de Derf) 3kms FIN
Le départ est prudent, mais ça reste un départ donc un poil rapide, pourtant devant ça va très vite et derrière il n'y a pas grand monde. Peu importante, on s'est dit que c'était long et que beaucoup de choses allaient nous surprendre ; notre premier objectif est de franchir la barrière horaire fixée par l'organisation à 5h de course sur la plage de Conleau. Après cette heure, on sera bloqué car la marée nous empêchera de faire la dernière session nat.
Les 2 premières càp passent facilement sur nos allures et dans l'eau on avale beaucoup de binôme sans s'en rendre compte. (les dossards nous redoublent sur les parties pédestres).
Arrive alors les 14,1 km, tout va bien mais Christophe à le bide en vrac, du coup arrêt longué au ravitaillement pour se délester et se flageller l'arrière train avec des épines de pins (il n'y a pas beaucoup de rouleaux de papier hygiéniques dans la nature!). On repart et avons hâte d'arriver sur l'enchaînement qui doit nous être favorable (plusieurs sections de natation pour peu de càp
)
Quand l'eau devait être aux alentours de 16 sur les 2 premiers tronçons, à la sortie de l’île aux moines on avoisine plutôt le 12 et là ça pique sévère...heureusement il y a 400m donc on va l'encaisser progressivement 400/1500/300/1000m pour seulement 900m de càp (enfin de déplacement sur rochers voire varappe par endroit!)
Tout est toujours ok on continue de manger des équipes, mais je me rends compte que Christophe n'imprime plus le rythme et que parfois je me retrouve devant. A la sortie du 1500, où on a été bien chahuté par les vagues, je le vois transis de froid (il a juste une petite combinaison shorty type planche à voile et là il commence à prendre cher dans la flotte).
Autour de nous c'est pareil pour tout le monde ; moi je n'arrive pas à articuler quand je parle, mais mon combi intégrale me maintient plus au chaud que certains !
Le 300m passe car pas très long et il faut être fort mentalement pour replonger pour le 1000m.
Sur la plage un mec est livide, il attends l'assistance médicale ;
Le courant est fort mais on est sorti de cette portion toujours en rattrapant un tas de dossards.
A ce moment là je vois Christophe dans un sale état, çà c'est de l’hypothermie où je m'y connais pas ; je comprends pourquoi depuis la section de 300m je suis devant dans l'eau !
C'est à n'y rien comprendre, je me permets même quelques mouvements de dos pour jauger sa position vis à vis de moi ; c'est dire.
Nous arrivons au ravitaillement mais je dois lui frotter les jambes, les bras, les jambes, les bras...pour espérer repartir vers le cut off. Je sens bien qu'on est proche de la limite ; personnellement je suis gelé, sur les 3,5km pédestres suivants je n'ouvrirais même pas le zip de ma combinaison. Alors oui j'ai froid, mais j'ai surtout conscience de ce que vit Christophe, alors on se remobilise pour courir, lentement tellement lentement que parfois je soupçonne que le moment de suspension de notre foulée est obsolète !!!
Qu'importe on n'est pas bien là
On se concentre sur les autres pour oublier nos souffrances, et on voit que les duos proches de nous souffrent tout autant. Certains nous déposent puis marchent 100m plus loin, on les repasse quand les crampes les empêchent de poursuivre. On en rigole, c'est que ça va mieux; je sais qu'on va finir et qu'on ne sera pas arrêté par la marée. Çà nous rebooste, doucement, pas grave c'est du positif. Un binôme devant nous subit davantage, on demande si ça va; un des deux n'est plus du tout lucide, son équipier lui ordonne, tout en courant de lever le bras droit, gauche...sans cesse.
On se dit que finalement on est plutôt pas mal. Cette équipe choisira, de manière très sensée à mon sens de quitter la course quelques km plus loin.
Christophe reprend quelques degrés sur la càp, honnêtement le moral est de nouveau bon ; les bonhommes moins !
Mais on avance. La dernière section de natation d'avant élimination est là; c'est pas qu'on soit enchanté d'y retourner mais là on jubile presque à l'idée de passer cette barrière horaire qui nous faisait si peur. Sans se faire prier on plonge, on nage, on dépose encore les 2 équipes qui sont parties juste devant nous ; Christophe ne récupérera pas dans l'eau jusqu'à la fin mais il s'accroche et suit de plus ou moins loin ma trajectoire. On n'est pas au mieux mais on sourit à la sortie d'eau ; il y a du monde, des encouragements, un des organisateurs qui nous dit que c'est ok, on peut aller au bout.
Il reste 12,5km à pied et 900m de nat, mais je ressens ce que j'ai déjà ressenti au 40ème km de mon seul marathon sec, mais aussi au dernier km à Vichy pour l'IM voilà 1 mois.
Cette émotion c'est celle de la satisfaction d'avoir bouclé l'épreuve ; pourtant la route est encore longue, surtout à l'allure à laquelle nous allons nous déplacer à présent. Mais plus rien ne pourra maintenant nous arrêter, pas même les douleurs, le froid, les crampes ici et là...ouille tiens on a aussi des muscles ici!
La foulée est lourde, mais l’humeur légère; on rigole en repensant à nos pauvres sessions d'entraînement à Charlemagne, on échange avec toutes les personnes qu'on croise, on revoit les visages des amis qui nous enviaient...
C'est tout de même très long et j'avoue que là j'ai vraiment eu une grosse lassitude. Heureusement qu'on est deux et que nos moments difficiles sont décalés; Christophe me dit on est bien on court à 10km/h, tout à l'heure on était à 9...pas faux on est au top mais ça me gave. Il est où ce p..... de ravito je veux faire une pause. Ce n'est pas énergétique mais psychologique, mais tant qu'on peux courir on le fait. J'ai mal partout, on croise beaucoup de monde sur l'autre rive, cool.
Moins cool on se rend compte que le demi tour pour changer de rive est tout simplement le port de Vannes. C'est joli Vannes, le port aussi mais je le trouvais plus accueillant hier en fin de soirée après la défaite anglaise. Là c'est moi qui suis défait!
Heureusement, on a toujours des contacts très sympathiques avec la concurrence, ça doit être ça les liens masochistes. Quoiqu'il en soit, la pause ravito m'a fait du bien, on se rapproche de la dernière natation j'ai limite hâte de me baquer...Christophe, non ! Mdr.
Ayé, c'est le dernier plouf, je suis toujours bien dans l'eau ; Christophe fait au mieux et on s'extrait une dernière fois de l'océan. Patrick Duffy est un charlot face à nous « Les hommes de l'Atlantique ». Ce qui est sur c'est la prochaine fois qu'on se mouillera ce sera jouissif, et sous un filet d'eau chaude dans les douches de l'auberge de jeunesse...
Les crampes sont de nouveau douloureuses mais là on y est vraiment. On commence à se mettre au point pour la photo d'arrivée; on savoure et on a hâte de voir cette arche entrevue le matin avant de prendre le bus. La voix du speaker devient audible, vous savez comme à Vendôme quand on arrive sur le plan d'eau. C'est fait on a été au bout de cette belle aventure avec toutes les émotions que ça représente.
Je ne crois pas avoir déjà autant souffert sur un course avant cette épreuve ; musculairement c'est dur, je pense que le froid de la flotte y est pour beaucoup. Mentalement, c'est énorme et le plaisir de faire l'épreuve à deux apporte un réel partage dans l'aventure.
Alors ce n'est sans doute pas l'épreuve la plus dure au monde, mais ce n'est pas non plus la ballade de fin de saison à laquelle je m'attendais. Il faut vraiment préparer ce type de course, tant sur le plan physique, mental que matériel.
Nos comparses de chambrée nous avaient averti, j'en fait de même auprès de vous.
C'est une épreuve à faire alors n'hésitez pas plus longtemps, ça vaut le coup de se lancer dans l'aventure.
Merci à ceux qui ont suivi notre parcours, à ceux qui vont l’emboîter, aux courageux qui auront lu jusqu'au bout ces quelques lignes, et enfin à Christophe mon binôme pour ce moment de VIE.